Explosion des applications de télémédecine en Afrique francophone : opportunité ou mirage ?

Portée par la digitalisation croissante et la nécessité d’élargir l’accès aux soins, la télémédecine connaît un essor fulgurant en Afrique francophone. De Dakar à Abidjan, des plateformes comme Susu, DabaDoc ou Kea Medicals promettent de connecter patients et médecins à travers un simple smartphone. Si ces solutions séduisent par leur praticité, notamment en milieu urbain, elles soulèvent de nombreuses interrogations quant à leur efficacité concrète, notamment dans les zones rurales, où la couverture internet et l’alphabétisation numérique demeurent limitées.
Sur le terrain, certaines applications rencontreraient des difficultés à convaincre les populations isolées, peu familières avec les outils numériques ou confrontées à des problèmes linguistiques. Des tests ponctuels ont révélé des limites sur la qualité des diagnostics à distance, notamment en l’absence d’examens cliniques directs. En outre, les professionnels de santé eux-mêmes restent partagés : certains y voient un moyen de désengorger les structures hospitalières, d’autres redoutent une déshumanisation des soins et un suivi médical lacunaire.
À cela s’ajoute un flou juridique persistant. Dans de nombreux pays francophones, le cadre légal autour de la télémédecine demeure embryonnaire, laissant place à des pratiques non encadrées, voire potentiellement risquées. Plusieurs experts en santé publique alertent ainsi sur la nécessité d’une régulation stricte, avec des standards de qualité, de confidentialité et de certification médicale. En l’état, si les plateformes de télémédecine peuvent constituer une réponse partielle à la crise sanitaire chronique sur le continent, leur succès à long terme dépendra d’un accompagnement politique et d’un investissement massif dans les infrastructures numériques.